S’il existe un mode d’emploi ou une notice pour saisir le fonctionnement de ce Paris-Saint-Germain (PSG), personne n’a réussi à mettre la main dessus, cette saison.
La victoire (3-2), obtenue sur la pelouse enneigée du Bayern Munich, mercredi 7 avril, défie ainsi les probabilités météorologiques et statistiques. Dans des conditions plus proches d’une poursuite de biathlon que d’un quart de finale de Ligue des champions, les Parisiens ont subi un tir nourri (trente et une frappes pour leurs adversaires) et répondu à six reprises avec une efficacité clinique.
Dans ce Fort-Alamo revisité, le PSG s’est accroché aux vertus des équipes dominées, surclassées par moments même. C’est-à-dire un mélange d’esprit de corps – « Les joueurs ont montré un état d’esprit combatif », a salué l’entraîneur parisien Mauricio Pochettino – associé à un soupçon de chance, sans oublier une nouvelle commande de cierges pour implorer le portier Saint Keylor Navas.
Mi-gardien, mi-aimant à ballons, le Costaricien est entré dans le cerveau des tireurs munichois, orphelins de leur plus fine gâchette, le Polonais Robert Lewandowski, blessé pour cette double confrontation. Ce qui fait plus que compenser le forfait d’un Marco Verratti, positif au Covid-19 pour la seconde fois en deux mois.
Chance et talent
Parce que le sport consomme du superlatif, le terme d’exploit est tentant pour enrober cette victoire face à un tenant du titre invaincu depuis dix-neuf matchs dans la compétition. Sauf que le PSG, par ses moyens d’Etat avec le Qatar, son statut de finaliste en titre ou encore le danger permanent représenté par le duo Neymar-Mbappé, n’est pas tout à fait dans son registre avec ce rôle de petite équipe venue braquer le Bayern, en passant par les égouts de l’Allianz Arena.
Mais ces derniers mois, Paris ne maîtrise plus rien. A côté de la nuit de rêve à Barcelone (4-1), il y a des glissades contre des cancres du championnat de France (Lorient et Nantes) ou encore cette défaite fraîche de quatre jours contre des Lillois décidés à se faire calife à la place du calife en Ligue 1. Au Parc des Princes, le PSG avait failli dans le jeu et dans l’esprit à l’image d’un Neymar, frustré et expulsé.
A vrai dire, les Parisiens opèrent comme une équipe de coupe et de coups. En parfait élève de Marcelo Bielsa, Pochettino préfère voir ses équipes dicter le rythme des matchs, maîtriser le ballon et beaucoup courir. A Munich, elle a surtout rempli la dernière condition. Le reste est une combinaison de deux éléments : « Le talent des joueurs et d’une dose de chance qui nous a permis de remporter ce match », résume l’entraîneur argentin, lucide.
Ce talent, c’est celui d’un Neymar capable d’aspirer cinq défenseurs pour mieux décaler Kylian Mbappé dès la 3e minute. La chance, c’est la suite de l’action avec la faute de mains de Manuel Neuer, le genre d’événement aussi improbable qu’une mauvaise note jouée par Rachmaninov. Le talent ressemble aussi à Marquinhos, défenseur aux gestes d’attaquant et buteur sur une jambe (30e) avant d’être remplacé dans la foulée, blessé aux adducteurs.
Paris et le spectre des matchs retours
Mercredi, à 2-0, les PSG a encore reculé et cette fois impossible d’incriminer le malheureux Thiago Silva (aujourd’hui à Chelsea), un peu trop facilement habillé en capitaine marche-arrière dans les moments chauds ces dernières saisons.
Trompés de la tête par son « ex », Eric Choupo-Moting (37e) puis par Thomas Müller à l’heure de jeu, les Parisiens ont résisté avec leurs moyens du moment, ceux d’une défense bricolée avec la bonne volonté et les limites des Colin Dagba et Mitchel Bakker sur les côtés ou d’un Danilo Pereira, descendu d’un cran après la sortie de Marquinhos.
Le trophée d’homme du match dans les mains, Kylian Mbappé a mis lui aussi en avant le courage collectif des siens au micro de RMC Sport : « On a souffert, mais on a souffert en équipe. » Nuance importante. Après son triplé à Barcelone, l’attaquant a doublé le plaisir avec cette frappe rasante au ras du poteau d’un Neuer refroidi par le réalisme du champion du monde (68e).
Mais Mbappé connaît trop bien cette subtilité du règlement des compétitions européennes, appelée aussi match retour. En 2017 avec la fameuse « remontada » du Barça, et deux ans plus tard avec l’accident contre un Manchester United faiblard, le PSG avait dilapidé son avantage initial. En tennis, on parle de « petit bras », cette peur de conclure qui sépare souvent les bons joueurs des meilleurs.
Avant d’effacer le souvenir de la finale perdue Lisbonne en août 2020 (0-1), et de crier « revanche », le PSG dispose de six jours devant lui – entrecoupé d’un déplacement à Stasbourg en championnat – pour revoir sa copie. Garer le bus devant les cages de Navas, attendre que les ballons ricochent sur lui, et faire parler la foudre par Mbappé, le plan a fonctionné une fois mais présente quelques limites.
Hansi Flick les a déjà notées. Désolé de l’inefficacité de ses joueurs et déplorant de nouvelles blessures (Niklas Süle et Leon Goretzka), l’entraîneur du Bayern n’a pas déposé les armes pour autant. « Nous savons que Paris est une équipe très forte mais on peut leur faire mal aussi, et on veut essayer d’en profiter mardi en essayant d’être plus efficace », prévient le technicien.
Les statistiques lui donnent pourtant seulement 5 % de chance de voir les demi-finales après une défaite 2-3 au match aller à domicile. Mais faut-il encore parler de logique et noircir des cahiers de statistiques avec ce PSG ? Pas sûr.
Source : https://www.lemonde.fr/